Je ne suis pas fière de ce que je fais. Réellement pas. Face au miroir de ma loge, si on peut appeler ça ma loge étant donné que cinq autres filles la squattent, je me dégoûte. Ce métier me dégoûte. Pour payer mes études, mon loyer, je suis obligée de montrer, tous les soirs, mon cul à tous ces mecs plein de frics -oupas- qui me bavent dessus et me répugnent avec leurs regards de déglingués. J'imagine la tête de ma mère si jamais elle me voyait là. Je crois qu'elle me tirerait par les cheveux et me trainerais jusqu'à la sortie en hurlant. Après ça, j'aurais droit à une flaupée de baffes avant d'avoir un énorme câlin. Ma mère est aussi dingue que moi. Ce soir, je suis en mode tigresse. C'est un costume qui me va plutôt bien. Grâce au maquillage, on ne me reconnaît pas et c'est mieux ainsi. Je danse jusqu'au bout de la nuit afin d'exciter tous ces gros pervers. Parfois je suis obligée de faire des danses privées, chose dont j'ai horreur. Seulement ici, dans cette boîte, le gérant est si corrompu que l'argent achète tout. Même nous. J'ai une affreuse envie de chialer mais mon maquillage risque de couler. Je pense à mon meilleur ami dans ces moments là. Mon dieu qu'il me tuerait, lui aussi, s'il me voyait comme cela. A bouger mon cul pour ramasser quelques billet. Seulement ce métier -si on peut appeler ça comme ça- est super bien payer. Je gagne en un mois ce que je gagnerais en six ou même huit si j'étais serveuse dans un bar. J'essaie de me rassurer tous les jours, en me disant que tout ça est un art, une forme d'expression, comme la danse moderne. Non, je sais bien que ce n'est pas vrai mais me dire ça me rassure. Chaque fois que je rentre sur scène, je m'imagine un théâtre comble venu exprès pour mon solo. Que je suis connue dans le monde entier et très appréciée. Parfois ça marche. Bon. Il faut y aller. J'ai l'air d'un boudin dans ma combinaison en cuir qui me colle et me compresse les nichons. Dire que je n'en ai déjà pas grand chose.. Allez Billie, courage. Je monte sur la scène au rythme de la musique et me dandine telle une tigresse. J'entends les cris, les " vas-y fais moi bander chérie " que je ne relève même pas. Que ce métier me répugne. Que je me dégoûte.