JEAN, CLEO-LOU GARNIER

Cléo-Lou Garnier ; son premier nom est Jean, comme les pantalons, mais personne ne l'utilise ; vingt-et un ans depuis le douze mars ; née à Paris, France ; a emménagé en Italie trois ans plus tôt, avec son grand frère ; hétérosexuelle ; célibataire le lundi, mercredi, dimanche ; bourrée les autres jours alors ne se rappelle pas ; végétarienne depuis aussi loin qu'elle puisse se souvenir ; déteste la junk food, sauf les chips ; ancienne alcoolique-anonyme, n'a pourtant jamais pu supporter la bière ; fume comme un pompier depuis qu'elle a "arrêté" de boire ; ne supporte pas la vue du sang, les films d'horreur lui font tourner de l'œil ; a arrêté les études après le bac ; travaille comme réceptionniste dans une petite galerie de Rome ; rêverait d’en ouvrir une pour y exposer ses photos ; hait se baigner dans la mer mais pourrait passer des heures à bronzer sur le sable ; nage comme un poisson ; danger public en voiture, son frère refuse de lui prêter sa voiture depuis un certain accident qui causa la vie à l'un des membres de leur famille ; craint en maths ; est recherchée par la mafia russe. leighton meester tu l'avais pas vu venir celle-là hein

→ Tell me where it hurts, to hell with everybody else all I care about is you and that’s the truth they don’t love me, yeah I can tell, but you do, so they can go to hell.

« Allô, Maxence ? » « Tu avais une chance sur deux, mais si tu peux même pas différencier tes propres enfants .. » « Jean, comment vas-tu ma chérie ? » « Comme si ma réponse t'intéressait vraiment. » « Ne commences pas s'il te plaît, je suis fatiguée. » « Tu es fatiguée ? fatiguée de quoi, passer tes journées à regarder la télé en sirotant un martini dry ? ça doit être épuisant, comme je compatis. » « Je te rappelle que je n'ai pas choisi de me retrouver dans cette situation. » « Comme c'est facile maman, reporter la faute sur les autres, tu ne sais faire que ça de toutes façons. » « C'EST MOI QUI CONDUISAIT LA VOITURE PEUT-ÊTRE ? » Et c'était reparti. Je me servais un verre de la réserve de mon frère tout en levant les yeux au ciel. J'aurais beau avoir déménagé au bout du monde pour ne plus voir son visage, sa voix venait toujours me pourrir la vie. N'allait-elle jamais comprendre que c'était un accident ? Définition d'accident : Un accident est un événement aléatoire, fortuit, qui entraîne des dommages vis-à-vis des personnes, des biens ou de l’environnement ou qui entraîne un engagement de responsabilité. C'est wikipédia qui l'a dit, pas moi. « C'était un accident maman ! » « Appelles-le comme tu veux, mais ton frère est mort et c'est de ton entière faute. » Cinq ans plus tôt, alors que je fêtais mon premier mois d'adulte responsable en estrenant mon permis, ma mère et moi eûmes un accident de voiture. J'étais derrière le volant, elle était enceinte. Une grossesse à son âge, c'était impensable, seulement elle s'était trouvée un nouveau copain, de quinze ans son cadet, et mônsieur rêvait de pouponner. Morte de peur à l'idée de se retrouver seule à quarante-cinq ans, elle accepta. À seize ans, je perdais mon petit frère, ma mère et mon innocence dans la même soirée. Ma mère osa même m'attaquer en justice, mais les charges furent abandonnées, faute de preuve. Pour elle tout était de ma faute, et depuis ce jour, elle se chargea de me le rappeler, chaque minute passante, comme si je pouvais oublier. En réalité il y avait bien une chose qui pouvait me faire oublier ma misérable vie, me laissant rêver à une vie meilleure, durant quelques heures : la boisson. Mon père nous avait offert sa collection de bouteilles en quittant la maison, un signe ? Bien évidemment cela commença gentiment, une bière à l'heure du goûter avec les potes pour éviter de rentrer à la maison plus tôt, mais à l'âge de la majorité européenne, je tournais à trois shots de tequila pour le petit déjeuner et un verre de whiscola en guise de rince bouche après m'être brossées les dents. « Si je suis l'erreur de ta vie, pourquoi perdre ton temps à prendre de mes nouvelles ? » BIP BIP BIP. Cela prit deux ans à ma famille pour réagir, et par famille j'entends mon frère. Après un séjour exceptionnellement long en rehab, je me devais de quitter le cocon familial, je ne pouvais plus faire face à cette femme qui se prétendait ma mère mais passait plus de temps à me faire payer qu'à m'aimer. À ma sortie, Maxence m'attendait avec trois valises et deux allers simples pour l'Italie. C'était il y a trois ans.

La vie aurait belle, la vie aurait simple si je n'avais pas eu la malchance clouée à mes semelles depuis ma naissance. Moi qui n'étais pas foutu de réussir ma vie, je n'arrivais donc même pas à réussir la mort de mon propre petit frère ? « .. et voila, tu sais tout. » « Et après c'est moi qui fait le difficile ! T'es au courant que maintenant je pourrais te faire chanter sur tout ce que je veux, non ? Comme faire mon ménage, laver mes chaussures, essuyer mes fesses. » « Essayes et je t'en colle une. » Pour la première fois, je déballais toute ma vie à un autre que mon frère. Ce n'était pas non plus n'importe qui, mais ça restait tout de même un énorme progrès. Ou une énorme connerie. Et s’il faisait parti de la mafia lui aussi ? et si en fait il avait simplement été engager pour se lier d'amitié avec moi pour mieux me balancer aux russes ? et si il était familier au gars que j'avais tué ? et si c'était lui qui avait tué ma vraie mère ? Des tonnes de questions sans réponses se bousculaient dans ma tête, trop de questions pas assez de place, je bouillonnais de l'intérieur. Apparemment le rouge me montait également aux joues car il n'en fit pas plus à Innocenzo pour remarquer que le stress me gagnait. Il avait beau être arrogant, menteur, susceptible , il était loin d'être une balance. Je pouvais avoir confiance. Du moins je l’espérais, car je ne pouvais plus faire machine arrière. « Du calme, je te livrerais pas aux assoiffés de vodka qui rôdent, ça te ferait bien trop plaisir. Puis bon, j'aurais plus personne pour venir me chercher de chez le psy alors .. » Mon poing frappa gentiment son épaule et nous éclatâmes de rire. J'étais rassurée, même si je n'avais jamais vraiment douté de lui, c'est simplement qu'il pouvait se montrer sacrément con quand il voulait. Si on lui avait dit quelques heures plus tôt que sa plus grande amie était en réalité fausse, que Clé-Lou Garnier n'existait pas réellement et que toutes les conneries qu'elle racontait n'étaient qu'une couverture, il aurait ri. Comme toujours, de toute façon se mec se foutait de tout et tout le monde, mais quelque part j'étais persuadée que ça l'arrangeait bien ces histoires de mafia, une histoire de plus pour tirer les filles dans son lit. Sacré Inno.

deux ans plus tôt
« Mademoiselle, comme je vous l'ai déjà demandé trois fois, quel est votre nom ? » « Cléo-Lou Garnier. » « Et votre véritable nom ? » « Clé-Lou je vous dis, mais vous pouvez m'appelez Cléo, ou Loulou ou .. » « ASSEZ ! » « J'ai aussi un ami qui me surnomme Lolotte la culotte, mais je ne suis pas fan. » « Taisez-vous. » « Il faut savoir, il y a cinq minutes vous me priiez de parler, et maintenant vous voulez que je me taise. Vous êtes pire que wikipourri. » « Sale gosse, ça t'amuse hein ? » « Assez oui. J'aime bien sentir les adultes en situation d'infériorité, ça les enrage, et moi je jubile. » « Jubile, du verbe jubiler .. Peu de de personnes de ton âge utilise ce verbe, tu as de bonnes notes à l'école ? » « Oh je vous en prie, vous êtes si naïf ! Vous pensez réellement que je vais tomber si facilement ? si je suis celle que vous pensez que je suis, vous devriez savoir que je suis plus maligne que ça. Vous décidément, vous êtes un très mauvais flic. Vous savez flic, du verbe fliquer, cela est-il assez approprié à mon âge pour vous ? » Mardi matin, il me semblait, dans une cave quelque part aux alentours de Rome. J'étais là depuis tellement longtemps que j'en avais perdu la notion du temps, les heures s'enchainaient tout comme ses questions à la con. A ce moment très précis j'aurais tué pour une douche, une bonne douche chaude, ou pourquoi pas un bain ? Je n'écoutais plus ce russe me baragouiner en anglais, je ne supportais plus sa voix, son visage, son petit rire nerveux trahissant sa perte de patience. Au moins nous avions cela en commun, l'empressement de quitter cet endroit glauque, cette espèce de cave puante. On se serait cru dans un remake d'un très mauvais film d'horreur. Le type murmura quelque chose en russe, ça semblait sanglant, m'enfin qu'est-ce que j'y connaissais au russe moi. Une petite table en bois ornait cette luxueuse pièce, si je puis dire, et je me trouvais assise à cette table sur un tabouret qui pouvait rendre l'âme à tout moment. Heureusement pour moi, je n'étais pas lourde. Son léger coup de pied contre le pied de la table m'irritait, que voulait-il à la fin ? La vérité je suppose, comme ses confrères. Une vérité tellement bien cachée que je l'ignorais moi-même, qu'avais-je donc de si merveilleux pour que la mafia russe soit à mes trousses depuis ma naissance ? pourquoi ma mère m'avait-elle abandonné aux bras de gentils africains dans le fin fond de la brousse alors que je ne dépassais guère les six mois ? et surtout, la question de ma vie, pourquoi ma mère avait-elle été assassinée ?

Il parait que ma mère était une Einstein russe, un génie des maths, du français, de tout ce que vous voulez, une lumière quoi. Et il parait qu'elle travaillait pour le FBI russe, c'est tout ce que je pus tirer de mes parents, adoptifs ? J'ai grandi en Afrique, dans une case, j'étais une vraie gosse sauvage, les lions et les serpents n'ont plus de secrets pour moi. Apparemment ma mère m'aurait déposé ici un lundi matin, c'était le vingt-quatre décembre d'ailleurs, elle trouva cette famille et les pria de prendre soin de moi, qu'elle reviendrait vite. Dix ans plus tard j'étais toujours là, et elle avait perdu la vie. On la lui avait retirée plutôt, dès l'âge de sept ans je compris que la mafia russe n'y était pas pour rien, et que si je me trouvais au fin fond de l'Afrique à ce moment précis, elle y était également pour quelque chose. Les Garnier m'élevèrent comme leur propre fille, en un tour de cil je les charmais, dès mon premier regard. Je n'ai jamais su pourquoi les Garnier vivaient en Afrique, mais en tous cas on y était bien : j'avais apprivoisé les éléphants et ma mère me faisait l'école à la maison, bien que je sois très avancée pour mon page. Malheureusement cette belle vie ne dura pas pour toujours et vint le temps pour moi où je dus quitter mon utopie. Âgée de treize ans, je découvrais la ville pour la première fois : le bruit, la pollution, les gens.